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Certains corps aiment se montrer, d’autres préfèrent disparaître. Mais il existe un entre-deux plus difficile à nommer : celui des personnes qui ne rejettent pas leur corps dans son ensemble, mais qui ne supportent pas le regard porté sur certaines zones spécifiques. Poitrine, ventre, cuisses, dos, mains… Ces régions deviennent des cibles de gêne, de honte, voire de panique. La phobie du regard sur certaines parties du corps est une forme de rejet partiel mais profond, souvent marquée par la dissociation, la culpabilité et une peur du dévoilement.


Un corps en morceaux

On pourrait croire que l’image corporelle est globale. Mais dans cette phobie, le corps est vécu en fragments :

  • certains endroits sont “montrables”,
  • d’autres doivent rester “invisibles”,
  • certains ne sont même jamais regardés par la personne elle-même.

Ce morcellement crée un rapport parcellisé à soi :

“J’aime mes yeux, mais je déteste mes bras.”
“Je ne peux pas supporter qu’on voie mon ventre.”
“Je me change dans le noir pour éviter de me voir.”


Le regard comme agression

Ce n’est pas tant la partie du corps qui dérange, que le regard posé dessus. Cette phobie repose souvent sur une peur intense de :

  • l’exposition (se montrer même légèrement),
  • la sexualisation involontaire de certaines zones,
  • la comparaison avec des standards irréalistes,
  • la réactivation de souvenirs traumatiques (abus, moqueries, regards insistants).

Le regard devient une menace diffuse, même quand il est imaginaire. Certaines personnes le ressentent physiquement, comme une brûlure ou une oppression.


Dissociation corporelle : quand on quitte son corps

Face à cette peur, la réaction la plus fréquente est la dissociation :

  • ne plus se regarder,
  • ne plus se toucher,
  • ne plus “habiter” certaines zones.

Ces parties du corps deviennent étrangères, voire taboues. La personne peut se comporter comme si elles n’existaient pas. Ou les évoquer avec des termes détachés, médicaux, impersonnels.

La dissociation protège… mais à long terme, elle isole et abîme.


Zones fréquemment concernées

  • Ventre : associé à la graisse, à la vulnérabilité, à l’intimité.
  • Poitrine : sexualisée ou source de gêne liée à l’identité de genre.
  • Cuisses : souvent jugées “trop grosses” ou “pas assez fermes”.
  • Dos : perçu comme incontrôlable car invisible à soi-même.
  • Pieds, mains, aisselles : zones sensibles au regard ou au toucher.

Mais toute zone peut être concernée, selon l’histoire personnelle, les expériences vécues, ou les injonctions intériorisées.


Une phobie enracinée dans le vécu

Cette phobie partielle naît souvent :

  • d’un événement traumatique ciblé (remarque blessante, contact intrusif, regard déplacé),
  • d’un apprentissage social genré (“ne montre pas ton décolleté”, “tes bras sont trop gros”, etc.),
  • d’une obsession corporelle ciblée (TDC — trouble dysmorphique corporel partiel).

Dans tous les cas, c’est la vulnérabilité de la zone concernée qui est projetée dans l’angoisse.


Conséquences psychiques et relationnelles

  • Vêtements choisis uniquement pour camoufler,
  • refus de l’intimité physique ou affective,
  • blocage sexuel ou pudique, même en contexte sécurisé,
  • anxiété dans l’espace public (plage, piscine, cabine d’essayage…),
  • impression constante d’être jugé·e, même sans preuve réelle.

La personne peut en arriver à se haïr partiellement, à vivre avec un rapport paradoxal : elle veut aimer son corps, mais certaines parties lui semblent indéfendables.


Des pistes pour se réconcilier avec ces zones interdites

1. Nommer la zone et ce qu’elle évoque → “Je ne supporte pas mes genoux. Pourquoi ? Qu’ont-ils vécu ? Qu’est-ce que j’y projette ?”

2. S’exposer doucement à son propre regard → Se regarder avec bienveillance, dans des moments choisis, sans forcer.

3. Réinvestir la zone par le soin → Massage, crèmes, vêtements doux : non pour “corriger”, mais pour réhabiliter.

4. Parler à cette partie du corps comme à une personne → Avec douceur, pardon, compréhension. “Je t’ai rejetée, mais tu fais partie de moi.”

5. Être accompagné·e en thérapie corporelle ou psychocorporelle → Pour restaurer le lien, habiter à nouveau l’ensemble du corps, de manière progressive et respectueuse.


En conclusion

La phobie du regard sur certaines parties du corps n’est pas une coquetterie ni une exagération. C’est un trouble profond, intime, souvent douloureux, où le désamour de soi se concentre comme un faisceau laser sur une zone “cible”. Revenir à un regard plus doux, plus global, plus humain… c’est possible. Et c’est un acte de réparation, une forme de réconciliation avec soi-même. Zone après zone, fragment après fragment.

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