Appuyer sur “Démarrer la diffusion”. Ou “Rejoindre la réunion”. Et soudain, le corps se crispe, la gorge se serre, les pensées s’embrouillent. Pour beaucoup, les outils de communication en direct sont devenus un réflexe quotidien. Mais pour d’autres, ils représentent un vrai déclencheur d’angoisse. Peur de bafouiller, de mal apparaître, de se figer, d’être scruté·e… La phobie du direct numérique — que ce soit en visioconférence, en live ou en appel vidéo — est une forme moderne de phobie sociale, silencieuse mais très répandue.
Quand l’écran devient scène
La caméra ne montre pas seulement un visage : elle expose. Et dans les formats en direct, l’absence de filtre, d’édition, de délai crée un sentiment de vulnérabilité extrême.
Ce que les personnes décrivent souvent :
- une peur de ne pas savoir quoi dire,
- un trac disproportionné, comme avant un spectacle,
- une hypersensibilité au regard des autres, même silencieux,
- une anxiété corporelle : se trouver mal cadré·e, figé·e, “bizarre”,
- une honte anticipée en cas de bug, d’hésitation, de “raté”.
Ce n’est pas la technologie qui fait peur. C’est la position d’exposé·e, sans possibilité de se cacher.
Une activation sociale amplifiée
Cette phobie numérique active les mêmes circuits émotionnels que la phobie sociale “classique” :
- peur du jugement,
- peur de mal faire,
- peur de perdre ses moyens.
Mais elle y ajoute des spécificités :
- l’impossibilité de fuir physiquement,
- la conscience de sa propre image en temps réel,
- la dimension “officielle” ou enregistrée de certains directs.
Cela crée un climat de surveillance de soi, une forme d’auto-objectivation anxieuse.
Les situations particulièrement déclenchantes
- Participer à une réunion Zoom ou Teams,
- Être invité·e à un live Instagram,
- Prendre la parole en visioconférence professionnelle,
- Tenir un webinaire ou une présentation en ligne,
- Être en appel vidéo avec un proche (même en contexte intime).
Chaque fois, la même angoisse : “je vais me figer”, “je vais dire n’importe quoi”, “je vais perdre le contrôle de mon image”.
Les profils les plus concernés
- Personnes ayant une phobie du regard,
- Anciens élèves traumatisés par la prise de parole scolaire,
- Personnes souffrant de trac scénique, d’anxiété sociale, de TOC de contrôle,
- Profils perfectionnistes ou très autocritiques,
- Créateurs ou professionnels du numérique surexposés.
Ce que cette phobie empêche
- Participer activement à des échanges professionnels,
- Partager ses idées ou projets en ligne,
- Créer des formats interactifs ou éducatifs en live,
- Entretenir des relations numériques détendues,
- Être visible dans des environnements sociaux clés.
L’anxiété peut devenir si forte qu’elle pousse au désistement, voire à l’évitement professionnel.
Comment apprivoiser le direct numérique
✅ 1. Nommer la peur avec précision → Ai-je peur de bafouiller ? De ne pas contrôler mon image ? De me sentir ridicule ?
✅ 2. Préparer des repères rassurants → Notes visibles, phrases d’intro, points-clés affichés près de l’écran.
✅ 3. S’entraîner en contexte sécurisant → Simulations avec un·e ami·e, test hors ligne, répétition enregistrée.
✅ 4. Travailler sur la perception de soi → Se réconcilier avec son image caméra, apprendre à la regarder sans violence.
✅ 5. Accepter l’imperfection du direct → Ce n’est pas un spectacle. Les hésitations, les silences, les bugs font partie du vivant.
Témoignage fictif
“Je devais présenter un projet en visio. J’ai écrit tout mon texte. Mais le jour J, dès que la caméra s’est allumée, j’ai senti mon cœur battre trop fort. J’ai eu l’impression d’être regardé par mille yeux. J’ai lu sans respirer, puis j’ai coupé. Je n’ai plus voulu faire de réunion pendant deux semaines.”
— Minh, 31 ans
En conclusion
La phobie du direct est le symptôme d’une époque où la performance sociale est devenue permanente, même chez soi, devant un écran. Mais cette angoisse n’est ni une faiblesse, ni un caprice : elle dit le besoin de sécurité dans l’expression de soi. Se libérer de cette peur, c’est réapprendre à être vu·e sans se trahir, à parler sans se figer, à exister sans filtre… et sans se dissoudre dans le regard numérique.
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