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Tout commence souvent par un détail. Un reflet trop net, une caméra mal placée, un double menton aperçu par accident. Et puis, soudainement, le malaise s’installe : se voir à l’écran devient intolérable. Ce n’est plus une simple gêne, mais une réaction de rejet, une phobie de cette présence virtuelle imposée. Dans un monde où les réunions Zoom, les appels vidéo familiaux et les consultations à distance se multiplient, ce malaise prend une ampleur nouvelle.


Ce que le miroir numérique reflète trop fort

La phobie des visios, ce n’est pas la peur de parler en public, ni une simple timidité. C’est une hypersensibilité au fait de se voir, combinée à la pression d’être vu·e en retour. Là où une réunion en présentiel permet une relative liberté corporelle, la visio impose une double présence : celle qu’on incarne, et celle que l’on perçoit en temps réel.
C’est cette confrontation à son propre reflet social, amplifié, figé, évalué, qui déclenche le malaise.


Les signes caractéristiques de cette phobie

Cette phobie peut s’exprimer par :

📷 L’évitement systématique des appels vidéo, même avec des proches.
🧍‍♀️ Des comportements d’auto-surveillance pendant la visio : se recoiffer, ajuster sa posture, scruter son propre visage en continu.
❌ Une impossibilité à regarder sa propre miniature, au point de la masquer ou de désactiver la caméra.
🤯 Un épuisement rapide, des tensions corporelles ou des céphalées pendant et après les échanges.
😶 Une inhibition de la parole due à la peur du jugement visuel.

Ces comportements relèvent d’une surconscience corporelle numérique, un excès d’attention portée à son image, mêlé à une hypervigilance visuelle.


Pourquoi les visios provoquent-elles autant de souffrance ?

Plusieurs mécanismes psychologiques s’imbriquent :

  1. Effet miroir constant : Contrairement à une conversation classique, la visio oblige à voir son propre visage en permanence, déclenchant un jugement intérieur incessant.
  2. Distorsion perceptive : L’image de la webcam n’est jamais totalement fidèle, mais le cerveau l’interprète comme un reflet objectif. Ce décalage accentue les complexes ou les insécurités corporelles.
  3. Présence figée : Contrairement à un échange en mouvement, la visio crée une immobilité anxiogène : on reste assis·e, cadré·e, comme figé·e dans un espace visuel contrôlé.
  4. Contrôle social accru : Être vu·e en direct implique d’être constamment « présentable », disponible, souriant·e. Un effort psychique intense, surtout pour les personnes sensibles au regard d’autrui.

Les publics les plus concernés

Certaines personnes sont plus vulnérables à ce type de phobie :

  • Les personnes ayant un trouble de l’image corporelle ou une faible estime de soi.
  • Les personnes anxieuses ou perfectionnistes.
  • Les individus ayant subi du harcèlement, des moqueries physiques ou une pression sur leur apparence.
  • Les personnes neuroatypiques pour qui le contact visuel ou la gestion simultanée d’images, sons et codes sociaux est éprouvant.

Quand le numérique ravive des blessures plus anciennes

Pour certain·es, l’image renvoyée par la visio réactive des souvenirs blessants : une comparaison parentale dans l’enfance, un sentiment d’inadéquation, une peur de ne pas « être comme il faut ».
La visio agit comme une loupe psychique : elle ne crée pas l’angoisse, mais elle la révèle, l’intensifie, la met en boucle.


Comment apaiser cette phobie au quotidien ?

🖼️ Réduire ou masquer son propre retour vidéo : de nombreuses plateformes permettent de cacher sa miniature tout en laissant la caméra allumée. Cela diminue la boucle auto-observation/jugement.

📵 Préférer l’audio seul quand c’est possible : pour les échanges non essentiels en visuel, proposer des appels voix peut soulager la pression.

🔄 Désacraliser l’image de soi : accepter que l’image en visio ne reflète qu’un angle, un moment, un éclairage, pas une vérité figée. Cela demande un travail de déconstruction des normes esthétiques intériorisées.

💬 Partager son inconfort : en parler avec des proches ou en thérapie permet souvent de sortir de la honte et de comprendre les racines de cette phobie.

🎭 S’exercer en contexte sécurisé : s’habituer à se voir via des enregistrements courts, seul·e, sans obligation de performance, peut réconcilier peu à peu avec l’image de soi.


Conclusion : retrouver du lien sans surexposition

La phobie des visios ne signifie pas un rejet de l’autre, mais souvent une saturation du regard sur soi. À l’heure où le numérique impose un miroir constant, il devient vital de préserver des espaces sans image, où la voix, la présence, le contenu de la parole prennent le dessus. Se libérer de l’injonction à « bien paraître » en toutes circonstances, c’est aussi réinventer des formes de liens plus justes, plus humaines, plus respirables.

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