“Si seulement je n’avais pas dit ça…”
“Pourquoi j’ai fait ce choix ?”
“J’aurais dû agir autrement.”
Pour beaucoup, les erreurs passées s’effacent peu à peu dans le flot de la vie. Mais pour d’autres, elles restent là, prisonnières du mental, tournant en boucle, réactivées à la moindre émotion ou au moindre silence. Cette peur de l’erreur ancienne, ce besoin maladif de revenir encore et encore sur une faute déjà commise, devient une phobie intérieure silencieuse, un cercle de rumination qui empêche d’avancer et abîme l’estime de soi.
L’erreur qui ne passe pas
Dans cette forme de phobie, ce n’est plus l’erreur elle-même qui fait mal, mais la mémoire qu’on en garde. Certaines personnes :
- revivent une scène précise comme si elle venait de se produire,
- sentent la honte monter rien qu’en y repensant,
- cherchent compulsivement comment elles auraient dû réagir,
- se demandent si les autres s’en souviennent aussi,
- se punissent intérieurement encore des années plus tard.
C’est la mémoire affective de l’erreur qui reste vive, intacte, parfois plus violente que l’erreur elle-même.
Ruminer : une tentative de réparation illusoire
La rumination est un mécanisme courant : le cerveau tourne en boucle autour d’un événement négatif dans l’espoir, inconscient, de le comprendre, de le corriger ou de le neutraliser.
Mais dans la phobie des erreurs passées, cette boucle devient :
- stérile (aucune réponse apaisante ne vient),
- envahissante (impossible de se concentrer sur autre chose),
- épuisante (la fatigue mentale s’installe),
- culpabilisante (“Je n’arrive pas à tourner la page, c’est ma faute.”).
C’est une forme de torture intérieure, parfois invisible pour l’entourage.
Les types d’erreurs qui hantent le plus
- Les erreurs relationnelles : mot blessant, silence mal placé, comportement regretté.
- Les erreurs de choix : décision professionnelle, rupture, orientation de vie.
- Les erreurs sociales : moment de gêne, confusion, maladresse publique.
- Les erreurs morales : trahison perçue, manque de loyauté, mensonge.
Plus l’erreur touche à la valeur personnelle ou relationnelle, plus elle laisse de traces.
Pourquoi certaines erreurs s’impriment plus que d’autres
Plusieurs facteurs jouent un rôle :
- une sensibilité émotionnelle élevée,
- un contexte d’humiliation ou de sanction,
- un manque de réparation possible (la personne concernée est partie, la situation est figée),
- un niveau d’exigence interne très haut : “Je n’aurais jamais dû faire ça.”
- un environnement peu soutenant : absence de pardon, rappel constant de la faute.
La personne devient son propre juge, son propre bourreau… et son propre prisonnier.
Ce que cette phobie empêche
- Se sentir en paix avec soi,
- S’autoriser à progresser,
- Entrer dans de nouvelles situations sans crainte,
- Accepter d’avoir été imparfait·e,
- Accueillir ses zones d’ombre sans effondrement.
C’est comme vivre avec un miroir intérieur toujours tourné vers un moment douloureux du passé.
Pistes pour se libérer du passé obsédant
✅ 1. Reconnaître que ruminer n’aide pas à réparer → C’est un leurre mental. Penser encore et encore n’apaise pas. Cela rouvre.
✅ 2. Recontextualiser l’erreur → Dans quel état étiez-vous à ce moment-là ? Qu’aviez-vous comme ressources ? Auriez-vous pu faire autrement, vraiment ?
✅ 3. Nommer la honte… et lui parler autrement → “Je me sens mal d’avoir fait ça.” → “J’étais humain·e. J’ai agi avec mes limites d’alors.”
✅ 4. Imaginer une réparation symbolique → Écrire une lettre non envoyée, formuler un pardon intérieur, créer un geste de clôture.
✅ 5. Se faire accompagner si nécessaire → Certaines erreurs sont associées à des traumatismes non digérés. Une thérapie permet d’aider le corps et l’esprit à dissocier la mémoire du danger.
Témoignage fictif
“Il y a 7 ans, j’ai quitté un job en envoyant un mail trop direct. J’étais à bout. Depuis, j’y repense tout le temps. Je me dis que j’ai tout gâché, que ça m’a fermé des portes. Personne ne me le rappelle, mais moi je n’arrive pas à oublier. Comme si j’étais figé dans ce moment.”
— Théo, 36 ans
En conclusion
La phobie des erreurs passées est une souffrance souvent invisible, mais profondément invalidante. Elle maintient dans un passé figé, empêche le pardon, et alimente la culpabilité. Se libérer, ce n’est pas oublier — c’est changer de regard sur ce qu’on a été, accueillir l’imperfection, et reconnaître le droit d’avoir été limité·e, comme tout être humain. C’est, peu à peu, rouvrir l’avenir.
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