Sombre

Recherche


Login

Sign up

Wishlist

Reading list


Helps


Certaines traces du passé ne s’effacent pas. Elles s’inscrivent dans la chair comme des empreintes, parfois silencieuses, parfois douloureusement visibles. Pour certaines personnes, ces cicatrices ne sont pas seulement un souvenir : elles deviennent une source de malaise, d’angoisse, voire de rejet de soi. La phobie des cicatrices touche à l’esthétique, bien sûr, mais aussi à l’intime, au vécu émotionnel, à l’identité. Lorsqu’une trace sur la peau devient insupportable à regarder — par soi ou par les autres — c’est le lien au corps entier qui se trouve perturbé.


Une présence qui dérange

Les cicatrices sont des marques de réparation. Elles témoignent d’une blessure, d’un accident, d’une opération… ou d’un passé plus douloureux encore. Si certaines personnes les intègrent comme des signes de résilience, d’autres les vivent comme :

  • des invasions visuelles,
  • des preuves visibles de faiblesse,
  • des objets de honte.

La phobie des cicatrices peut se manifester par :

  • un évitemment du regard sur soi-même (refus de se voir dans un miroir),
  • le camouflage systématique (vêtements longs, maquillage, postures de dissimulation),
  • une détresse émotionnelle à la vue ou au contact de la cicatrice,
  • une angoisse anticipée liée au regard d’autrui (“Et si quelqu’un la remarque ?”).

Le corps abîmé : entre honte et mémoire

Certaines cicatrices sont visibles, d’autres presque effacées. Mais toutes peuvent activer une mémoire émotionnelle. C’est particulièrement le cas pour :

  • les cicatrices liées à des accidents graves,
  • des tentatives d’automutilation ou de suicide,
  • des violences physiques ou sexuelles,
  • des interventions médicales invasives.

Dans ces cas, la cicatrice n’est pas simplement une trace esthétique : elle est le rappel constant d’un moment où le corps a été attaqué, exposé, ou dépassé.

Même quand la blessure est ancienne, la présence de la cicatrice peut provoquer des flashbacks, des émotions intenses, ou un sentiment de vulnérabilité extrême.


Une phobie complexe, silencieuse

Contrairement à d’autres peurs corporelles plus visibles ou socialement commentées, la phobie des cicatrices est souvent intime et taboue. Les personnes concernées n’en parlent pas facilement :

  • par peur de jugement moral (“Tu devrais être fier·e de cette cicatrice”),
  • par auto-stigmatisation (“Je suis marqué·e à vie, je suis laid·e”),
  • par culpabilité (“Je ne devrais pas me sentir mal, ce n’est qu’une cicatrice”).

Et pourtant, cette souffrance est réelle. Elle peut altérer la qualité de vie, l’estime de soi, la vie affective et sexuelle. Certaines personnes vont jusqu’à éviter les relations, de peur que l’autre voie ou interroge ces marques.


Ce que la peau révèle… et protège

La peau est un organe de contact, de protection, de communication. Lorsqu’elle est marquée, elle bouleverse la perception de l’intégrité corporelle.

On peut alors se sentir :

  • “abîmé·e”, voire “irrécupérable”,
  • “différent·e”, en dehors des normes esthétiques,
  • “en danger”, comme si la blessure pouvait se rouvrir.

Dans certains cas, cette phobie s’étend : à d’autres parties du corps, à d’autres imperfections (taches, boutons, grains de beauté), à d’autres personnes même — avec une aversion vis-à-vis des cicatrices visibles chez autrui.


Retrouver une relation plus apaisée à ses marques

Guérir d’une phobie des cicatrices, ce n’est pas les faire disparaître. C’est apprendre à changer le regard porté sur elles, et à reprendre possession de son corps.

Voici quelques pistes thérapeutiques possibles :

1. Travailler la réintégration sensorielle → Toucher doucement la cicatrice, la décrire sans jugement, renouer un lien de présence.

2. Explorer la mémoire émotionnelle → Ce que la cicatrice rappelle, ce qu’elle symbolise, ce qu’elle continue d’entretenir.

3. Déconstruire l’esthétique normative → Comprendre d’où viennent nos modèles du “corps parfait”, et en quoi ils nous oppressent.

4. Travailler la honte et la visibilité → En thérapie, ou via des démarches artistiques (écriture, photo, peinture corporelle).

5. S’approprier l’histoire de la cicatrice → Non pour la glorifier à tout prix, mais pour ne plus la subir.


Témoignage fictif

“J’ai une cicatrice sur l’abdomen depuis une opération quand j’étais ado. Je ne la montrais jamais. Même à la plage, je gardais un t-shirt. Puis un jour, j’ai commencé à en parler à ma psy. Et j’ai compris que ce que je cachais, ce n’était pas la cicatrice, c’était la peur de ne pas être aimé avec elle.” — Hugo, 29 ans


En conclusion

La phobie des cicatrices n’est pas une coquetterie ni une sensibilité excessive. C’est une expérience intime, parfois dévastatrice, d’un corps vécu comme inacceptable. Pour y faire face, il faut de l’écoute, de la douceur, du temps. Et surtout, l’espace pour reconnaître que chaque trace porte une histoire. Et qu’aucune histoire, aussi marquée soit-elle, ne réduit la valeur de la personne qui la porte.

Découvrir d’autres Publications.

No posts were found.