Prendre une décision. Choisir une option. Avancer dans une direction. Pour beaucoup, ces actes font partie du quotidien. Mais pour d’autres, chaque décision — même minime — devient un moment d’angoisse. Et si je me trompais ? Et si je regrettais ? Et si je détruisais quelque chose sans le vouloir ? La peur de se tromper peut devenir un véritable frein à l’existence, une phobie silencieuse mais tenace, qui enferme dans l’indécision, le doute permanent et la fuite de soi.
Une peur à bas bruit mais très invalidante
La peur de l’erreur n’est pas forcément spectaculaire. Elle se manifeste souvent par :
- des hésitations interminables pour des décisions simples (choisir un plat, envoyer un message, prendre un rendez-vous),
- des ruminations après coup (“J’aurais dû…”, “Pourquoi je n’ai pas fait autrement ?”),
- un besoin excessif de certitude (“Tu es sûr·e que c’est la bonne solution ?”, “Et si jamais ça rate ?”),
- un perfectionnisme bloquant, qui pousse à ne rien faire plutôt que de faire “mal”.
Dans les cas les plus intenses, cette peur débouche sur une paralysie décisionnelle : tout choix devient impossible.
L’erreur comme menace identitaire
Pourquoi une simple erreur peut-elle être aussi angoissante ? Parce que, pour beaucoup, elle est vécue non comme une expérience normale, mais comme une atteinte à la valeur personnelle.
Se tromper = échouer = être nul·le.
L’erreur devient un symbole de faiblesse, une preuve qu’on ne mérite pas la confiance, un danger pour l’image de soi.
Certaines personnes associent fortement l’erreur à des souvenirs de :
- jugement parental (“Tu ne fais jamais bien !”),
- humiliation scolaire (“C’est faux, tu n’as rien compris !”),
- expériences traumatiques où une erreur a eu des conséquences graves.
Le doute comme prison mentale
La peur de se tromper installe un climat de doute chronique :
- sur ses choix,
- sur ses compétences,
- sur ses intuitions,
- sur sa légitimité.
Plus la personne doute, plus elle consulte l’avis des autres, cherche des garanties, repousse le moment de décider… et plus elle se sent inapte, dépendante, fragile.
Ce doute peut devenir un mode de fonctionnement. On n’agit plus, on anticipe les conséquences négatives, on s’épuise à vouloir tout prévoir.
Les formes que prend cette phobie
- Hésitation extrême même pour des décisions simples (acheter un vêtement, répondre à une invitation).
- Délégation excessive (“Je préfère que tu choisisses à ma place.”).
- Évitement : ne pas candidater, ne pas s’engager, ne pas commencer un projet.
- Rumination post-décision : revenir sans cesse sur ce qu’on aurait pu faire autrement.
- Auto-sabotage : choisir exprès une mauvaise solution pour éviter de porter la responsabilité d’un vrai choix.
Ce que cette peur cache souvent
🔍 Une faible estime de soi : “Je n’ai pas le droit à l’erreur.”
🔍 Un besoin de contrôle absolu : “Il faut que tout soit parfait, sinon c’est un échec.”
🔍 Une éducation rigide ou punitive : “Tu dois réussir, sinon tu es inutile.”
🔍 Un traumatisme lié à une erreur passée : “Je me suis trompé·e une fois, et j’ai tout gâché.”
Quelques pistes pour s’en libérer
✅ 1. Apprendre à distinguer l’erreur de l’échec → Se tromper n’est pas “échouer”. C’est expérimenter. C’est apprendre.
✅ 2. Travailler la tolérance à l’incertitude → Accepter de ne pas savoir à l’avance. Se laisser surprendre. Risquer… doucement.
✅ 3. Réduire le perfectionnisme → Viser “assez bien” plutôt que “parfait”. Le parfait paralyse, le bon suffit.
✅ 4. Revaloriser l’acte de choisir → Prendre une décision, c’est un acte de confiance en soi — pas une menace.
✅ 5. Explorer ses racines → En thérapie ou en auto-analyse : d’où vient cette peur ? Qui juge en moi ? Quelle erreur m’est restée en mémoire ?
Témoignage fictif
“Je peux passer 30 minutes à choisir une police d’écriture pour un mail. Ou changer dix fois de chemise le matin. Je suis terrorisé par l’idée de faire un mauvais choix, même si personne ne le voit. C’est comme si, en me trompant, je perdais toute crédibilité. Ce n’est pas rationnel, mais c’est plus fort que moi.” — Sami, 34 ans
En conclusion
La peur de se tromper est une phobie invisible mais profondément limitante. Elle touche à la racine même de l’autonomie, de la confiance, de la possibilité d’agir. Pour s’en libérer, il ne suffit pas de “faire confiance à son instinct” — il faut réparer la relation intérieure à l’erreur. Et cela commence par une phrase simple, mais puissante :
“J’ai le droit de me tromper.”
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