Nos souvenirs sont souvent perçus comme une représentation fidèle de la réalité. Pourtant, des recherches en psychologie cognitive montrent que la mémoire est un processus reconstructif plutôt qu’un enregistrement fidèle des événements passés. Cette capacité à reconstruire les souvenirs rend la mémoire vulnérable à la distorsion et à la création de faux souvenirs.
Un faux souvenir est une mémoire d’un événement qui : N’a jamais eu lieu.
A été altéré par des suggestions extérieures ou des biais cognitifs.
Peut être vécu avec une forte conviction subjective.
Les faux souvenirs sont une conséquence naturelle du fonctionnement de la mémoire autobiographique. Le cerveau comble les lacunes en s’appuyant sur des schémas et des associations existants, créant ainsi des souvenirs erronés mais perçus comme réels.
Dans cet article, nous allons explorer le mécanisme des faux souvenirs, les biais cognitifs qui les provoquent, et les implications psychologiques de cette reconstruction imparfaite de la mémoire autobiographique.
1. Qu’est-ce qu’un faux souvenir ?
1.1. Définition des faux souvenirs
Un faux souvenir est une mémoire d’un événement : Qui n’a jamais eu lieu.
Qui est partiellement modifié.
Qui peut être influencé par des suggestions extérieures ou par des biais cognitifs.
Exemple : Se souvenir d’avoir été perdu dans un supermarché dans l’enfance alors que cela n’est jamais arrivé.
1.2. Différence entre souvenir déformé et faux souvenir
Un souvenir déformé → Modification d’un détail d’un événement réel.
Un faux souvenir → Création complète d’un souvenir d’un événement fictif.
Exemple :
- Déformation → Croire que le serveur portait une chemise rouge alors qu’il portait une chemise bleue.
- Faux souvenir → Croire avoir rencontré une personne qui n’a jamais existé.
1.3. Pourquoi le cerveau crée-t-il des faux souvenirs ?
La mémoire est reconstructive → Le cerveau ne stocke pas les souvenirs comme une vidéo.
Lors du rappel, le cerveau complète les détails manquants à l’aide de schémas et d’inférences.
Les souvenirs sont influencés par le contexte, les émotions et les attentes.
Exemple : Si une personne raconte souvent un événement de manière erronée, le cerveau finira par l’accepter comme vrai.
2. Les mécanismes cognitifs à l’origine des faux souvenirs
2.1. L’effet de désinformation (Loftus, 1975)
Le cerveau est sensible aux informations suggérées après un événement.
Les informations postérieures peuvent modifier la mémoire initiale.
Expérience de Loftus :
- Des participants visionnent une scène d’accident de voiture.
- Une partie des participants reçoit une fausse information (« la voiture roulait très vite »).
- Lors du rappel, ces participants décrivent le véhicule comme roulant plus vite que dans la réalité.
2.2. L’amorçage sémantique
La mémoire est influencée par le contexte et les associations sémantiques.
Un mot ou une idée active automatiquement des concepts proches en mémoire.
Exemple : Si une personne entend le mot « lit », elle pourrait se souvenir faussement d’avoir entendu le mot « oreiller ».
2.3. Le phénomène d’imagination
Imaginer un événement fictif active les mêmes zones cérébrales que la mémoire réelle.
Une imagination répétée peut transformer une scène imaginée en un souvenir.
Exemple : Si une personne imagine régulièrement une scène d’enfance inventée, le cerveau finira par la considérer comme réelle.
2.4. L’effet de suggestion sociale
Le cerveau est sensible aux suggestions de l’environnement social.
Si une personne raconte un événement de manière erronée, le cerveau adopte cette version.
Exemple : Lors d’un témoignage collectif, les versions racontées par les autres peuvent influencer la perception du souvenir.
3. Les biais cognitifs qui favorisent les faux souvenirs
3.1. Biais de confirmation
Les souvenirs sont reconstruits en fonction de nos croyances existantes.
Le cerveau a tendance à rejeter les informations qui contredisent le schéma mental établi.
Exemple : Une personne convaincue d’avoir eu une enfance difficile pourrait se souvenir d’événements traumatisants qui n’ont jamais eu lieu.
3.2. Biais de cohérence
Le cerveau reconstruit les souvenirs pour maintenir une cohérence narrative.
Les détails incohérents sont oubliés ou modifiés.
Exemple : Un souvenir désagréable avec un ami pourrait être modifié pour maintenir une bonne image de la relation.
3.3. Biais de mémoire source
La mémoire peut mélanger plusieurs sources d’information.
Une personne peut attribuer une expérience réelle à une autre situation.
Exemple : Croire avoir vu une célébrité dans la rue après l’avoir vue à la télévision.
4. Les troubles liés aux faux souvenirs
4.1. Syndrome des faux souvenirs
Les faux souvenirs peuvent être renforcés par des suggestions répétées.
Les souvenirs deviennent impossibles à distinguer de la réalité.
Exemple : Des patients sous hypnose ont « retrouvé » de faux souvenirs d’abus jamais survenus.
4.2. Confabulation
Production involontaire de faux souvenirs chez les patients atteints de troubles neurologiques.
Les souvenirs sont vécus avec une conviction absolue.
Exemple : Une personne souffrant du syndrome de Korsakoff peut affirmer avoir voyagé dans un pays où elle n’a jamais été.
4.3. Fausse reconnaissance
Le cerveau peut attribuer un souvenir réel à une mauvaise source.
Exemple : Reconnaître faussement une personne dans la rue alors que le souvenir est basé sur une scène de film.
Conclusion
Les faux souvenirs sont une conséquence directe de la nature reconstructive de la mémoire autobiographique. Le cerveau complète automatiquement les détails manquants en utilisant des schémas et des associations sémantiques, rendant les souvenirs vulnérables à la distorsion. Bien que souvent anodins, les faux souvenirs peuvent influencer les relations, les témoignages et la perception de soi.
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