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Un pied qui bat la mesure, un crayon qui tourne entre les doigts, un aller-retour dans la piรจce, une chaise qui grinceโ€ฆ
Ces petits gestes, parfois gรชnants ou jugรฉs inappropriรฉs, sont pourtant intimement liรฉs ร  la maniรจre dont certaines personnes se concentrent, rรฉflรฉchissent et crรฉent.

Il existe une agitation motrice non liรฉe ร  lโ€™anxiรฉtรฉ ou au stress, mais au besoin de mobiliser le corps pour activer ou canaliser la pensรฉe. Et loin dโ€™รชtre un dysfonctionnement, ce phรฉnomรจne rรฉvรจle une forme naturelle dโ€™intelligence incarnรฉe : penser en bougeant, parce que le mouvement soutient lโ€™attention.


Ce quโ€™on observe concrรจtement

Dans les environnements scolaires, professionnels ou domestiques, certaines personnes :

  • Marchent en rond en parlant ou rรฉflรฉchissant
  • Ont besoin de griffonner, manipuler un objet ou mรขchouiller un stylo
  • Bougent les jambes en lisant ou รฉcrivant
  • Parlent ร  voix haute pour structurer leur pensรฉe
  • Se sentent plus efficaces en mouvement (marche, sport, bricolage)

Ces comportements sont souvent rรฉprimรฉs ร  lโ€™รฉcole, mal vus dans les rรฉunions, ou vรฉcus comme des โ€œmaniesโ€.
Mais ils peuvent aussi รชtre des outils cognitifs puissants, si on comprend leur origine et leur fonction.


Les racines scientifiques : le corps et le cerveau en rรฉseau

๐Ÿง  1. La cognition incarnรฉe : penser avec tout le corps

La thรฉorie de la โ€œcognition incarnรฉeโ€ (embodied cognition) montre que nos capacitรฉs mentales ne sont pas purement cรฉrรฉbrales. Elles reposent :

  • Sur les interactions avec le monde physique
  • Sur la proprioception (la perception de notre corps dans lโ€™espace)
  • Sur le systรจme sensorimoteur

En dโ€™autres termes : le corps aide ร  structurer, maintenir ou activer la pensรฉe.

Exemple : marcher stimule le cortex prรฉfrontal, favorise lโ€™organisation des idรฉes et la prise de dรฉcision.

โš™๏ธ 2. La mรฉmoire de travail en action

La mรฉmoire de travail, essentielle ร  la concentration, est sollicitรฉe dans des tรขches complexes.
Chez certaines personnes, elle est plus performante quand le corps est mobilisรฉ โ€” car le mouvement soutient lโ€™attention et prรฉvient la dispersion mentale.

Cโ€™est le cas notamment chez les profils :

  • TDAH (trouble du dรฉficit de lโ€™attention avec ou sans hyperactivitรฉ)
  • Neurodivergents (dys, hauts potentiels, TSA)
  • Crรฉatifs ou sensibles au canal kinesthรฉsique

Quand le mouvement devient support cognitif

Pour ces profils, rester immobile nโ€™aide pas ร  se concentrer. Au contraire, cela bloque lโ€™accรจs au raisonnement, provoque des tensions ou une perte dโ€™attention.

Le mouvement peut alors jouer plusieurs rรดles :

  • ๐Ÿงญ Rรฉgulateur : il canalise lโ€™excรจs dโ€™informations internes
  • ๐Ÿ› ๏ธ Soutien au raisonnement : il structure la pensรฉe sรฉquentielle
  • ๐ŸŽฏ Dรฉclencheur dโ€™insights : le corps mobilisรฉ libรจre des intuitions
  • ๐ŸŒฌ๏ธ Exutoire รฉmotionnel discret : il apaise les tensions qui parasitent lโ€™attention

Tรฉmoignage fictif : Hugo, 29 ans, graphiste

โ€œJโ€™ai toujours eu du mal ร  rester immobile pour rรฉflรฉchir. Quand je dois prรฉparer une idรฉe, je tourne en rond. Si je reste assis, mes pensรฉes sโ€™รฉparpillent. En marchant ou en bougeant mes mains, tout sโ€™รฉclaire.โ€

Hugo a longtemps รฉtรฉ perรงu comme โ€œinstableโ€ ร  lโ€™รฉcole. Ce nโ€™est quโ€™ร  lโ€™รขge adulte quโ€™il a compris que son mouvement nโ€™รฉtait pas un symptรดme, mais un outil naturel dโ€™accรจs ร  sa pensรฉe.


Ce que lโ€™environnement scolaire et professionnel ne comprend pas toujours

Le systรจme valorise encore largement :

  • Lโ€™immobilitรฉ comme preuve de sรฉrieux
  • Lโ€™รฉcoute silencieuse comme preuve dโ€™attention
  • La concentration statique comme idรฉal cognitif

Mais pour de nombreuses personnes, ces injonctions provoquent :

  • De la fatigue rapide
  • Des รฉchecs scolaires ou professionnels
  • Une mรฉsestime de soi
  • Des stratรฉgies de compensation coรปteuses

Il est temps de repenser notre conception de la concentration : lโ€™agitation peut รชtre un style cognitif, pas un trouble.


Comment reconnaรฎtre une agitation motrice liรฉe ร  la concentration ?

Voici quelques signes clรฉs :

  1. Elle nโ€™est pas liรฉe au stress, mais ร  une tรขche cognitive.
  2. Elle sโ€™arrรชte dโ€™elle-mรชme dรจs que la tรขche est terminรฉe.
  3. Elle amรฉliore la qualitรฉ de rรฉflexion ou dโ€™attention.
  4. Elle ne provoque pas de souffrance psychique, mais aide ร  โ€œentrer dans la tรขcheโ€.
  5. Elle peut รชtre volontairement utilisรฉe comme stratรฉgie de concentration.

Stratรฉgies concrรจtes pour penser en mouvement

  1. Adopter une posture mobile
    • Travailler debout ou avec un fauteuil pivotant
    • Utiliser une assise dynamique (ballon, coussin dโ€™air)
  2. Utiliser des objets de rรฉgulation
    • Fidget (anneaux, balle souple, รฉlastique)
    • Cahier de griffonnage ou mandala
  3. Alterner les positions
    • Sโ€™asseoir / se lever / faire quelques pas rรฉguliรจrement
  4. Faire des pauses actives
    • 2 minutes de marche lente
    • ร‰tirements conscients
    • Respiration + mouvement doux
  5. Respecter son propre rythme
    • Travailler en bloc court avec mouvement entre les sรฉquences
    • Ne pas culpabiliser dโ€™avoir besoin de bouger

Conclusion : Bouger pour mieux se concentrer, une nouvelle norme ?

Il est temps de reconnaรฎtre que penser ne se fait pas uniquement dans la tรชte.
Le corps est un partenaire prรฉcieux de notre attention, notre crรฉativitรฉ, notre mรฉmoire.

Pour certains, bouger nโ€™est pas une distraction, mais un moteur cognitif.

Et si lโ€™on cessait de vouloir faire taire le mouvementโ€ฆ pour mieux รฉcouter ce quโ€™il rend possible ?

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