On connaît les effets immédiats de l’alcool : l’euphorie, le relâchement, la désinhibition. Mais ses effets profonds — plus insidieux, plus silencieux — touchent à deux fonctions essentielles de notre équilibre psychique : la mémoire et la régulation émotionnelle.
Loin d’être anodins, ces impacts influencent la façon dont on se raconte, dont on ressent, et parfois… dont on se perd.
L’alcool et les trous de mémoire
Un “blackout” alcoolique, ce n’est pas une simple étourderie : c’est une amnésie temporaire, provoquée par un blocage de l’hippocampe, la région du cerveau qui encode les souvenirs.
Ces trous de mémoire peuvent être :
- Totaux : aucune trace du moment concerné
- Partiels : flous, sensations déconnectées
- Fragmentés : souvenirs déformés ou déplacés
Cela peut arriver dès 0,8 g/l d’alcool dans le sang, surtout en cas d’absorption rapide ou à jeun.
Le risque invisible : perte de repères
Quand la mémoire devient floue :
- On doute de ce qu’on a dit ou fait
- On perd le fil de ses émotions
- On délègue à l’entourage la narration de ses soirées
- On finit par ne plus se faire confiance
C’est comme vivre des épisodes dont on n’est pas tout à fait l’auteur.
Alcool et émotions : un faux régulateur
L’alcool est souvent perçu comme un calmant, mais en réalité, il agit comme un amplificateur émotionnel :
- Il peut désinhiber la colère, la tristesse ou l’euphorie
- Il rend l’humeur plus instable
- Il affaiblit le cortex préfrontal, responsable du contrôle émotionnel
- Il renforce la dépendance aux réactions impulsives
C’est pour cela que certaines personnes se disent “incontrôlables” ou “trop sensibles” quand elles ont bu.
Le lendemain : effet rebond
Après l’effet de désinhibition vient souvent la chute :
- Anxiété accrue
- Humeur morose
- Culpabilité floue
- Irritabilité inexpliquée
Ces états peuvent durer plusieurs heures, voire plusieurs jours, et alimenter un cercle vicieux : boire pour se sentir mieux → instabilité → reboire.
Une mémoire émotionnelle brouillée
Boire régulièrement modifie aussi la mémoire émotionnelle :
- On associe certains lieux, musiques ou visages à des états flous
- On oublie ses réactions réelles
- On a du mal à se souvenir de ce qu’on ressentait vraiment
Cela peut empêcher l’intégration psychique de certaines expériences, et compliquer le travail thérapeutique ou introspectif.
Que faire pour préserver sa clarté intérieure ?
1. Observer son état mental avant, pendant et après un verre
Tenir un journal peut révéler des effets plus profonds que prévu.
2. Limiter les consommations rapides ou excessives
Boire lentement, manger en même temps, s’hydrater : cela réduit les pics de désorganisation.
3. Espacer les prises pour retrouver une base émotionnelle stable
Plus le cerveau est sobre, plus il réapprend à réguler naturellement.
4. Consulter en cas de doutes
Des troubles de la mémoire, des trous réguliers, ou une grande labilité émotionnelle peuvent être des signes à explorer avec un professionnel.
En conclusion
L’alcool dérègle subtilement ce qui nous structure : nos souvenirs, notre perception de nous-même, nos émotions. Ce n’est pas qu’une question de “verres de trop” : c’est une question de présence à soi.
Retrouver sa mémoire pleine, ses émotions vraies, c’est aussi retrouver le fil de sa propre histoire.
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