Pour beaucoup, franchir un pont ou traverser un tunnel est une formalité. Pour d’autres, c’est une épreuve silencieuse, presque insurmontable. Ils évitent les itinéraires par autoroute, anticipent des détours, ou préfèrent faire demi-tour plutôt que d’affronter cette sensation : le vide sous les pieds, ou au-dessus de la tête, la traversée obligée d’un lieu où tout semble pouvoir basculer. Cette peur porte un nom : géphyrophobie (pour les ponts), mais elle peut aussi inclure les tunnels, viaducs, et toute structure suspendue ou fermée symbolisant une perte de contrôle.
Quand la traversée devient vertige
Ces lieux ont en commun d’être :
- Longs, linéaires, sans échappatoire facile
- Associés à une perte de repères sensoriels (lumière, visibilité, équilibre)
- Symboles d’un passage d’un état à un autre, d’un “avant” à un “après”
La peur ne porte pas forcément sur l’objet lui-même (pont, tunnel) mais sur l’expérience mentale qu’il déclenche : vertige, enfermement, perte de maîtrise.
Symptômes typiques
- Bouffées de chaleur, sueurs froides, tremblements en approchant d’un pont ou tunnel
- Crainte de perdre connaissance ou de “paniquer au volant”
- Pensées catastrophistes : effondrement, accident, blocage
- Besoin de rouler vite pour “sortir au plus vite” ou au contraire de ralentir jusqu’à la paralysie
- Hypervigilance et tension extrême durant toute la traversée
- Évitement des trajets comportant des passages redoutés
Ce que cette peur révèle
🧠 Une angoisse de l’entre-deux
Les ponts et tunnels incarnent la transition, l’inconnu, la perte de contrôle temporaire. On quitte un point connu pour un autre… sans garantie.
🌪 Une projection intérieure du vide
La structure devient un miroir du chaos intérieur, du vertige mental, de l’instabilité émotionnelle.
🫥 Un besoin d’issue permanente
L’incapacité à fuir ou sortir “à tout moment” déclenche une alerte : “Et si je suis coincé·e ?”
🧬 Une mémoire corporelle ou symbolique
Certaines personnes associent inconsciemment ces lieux à un événement de panique, un souvenir d’accident, ou une angoisse symbolique de “passage dangereux”.
Conséquences concrètes
- Détours importants ou évitements réguliers de certaines routes
- Dépendance à un tiers conducteur ou accompagnateur
- Anticipation anxieuse avant tout trajet
- Limitation des déplacements, de la spontanéité, de l’autonomie
- Impact professionnel ou familial (événements évités, trajets réduits…)
Approches thérapeutiques efficaces
🧠 TCC avec exposition progressive
Travailler les pensées automatiques catastrophistes, puis exposer le cerveau étape par étape à la traversée (images, vidéos, simulations, trajets courts).
💬 Thérapie orientée sur le lien au passage, au changement
Explorer ce que représente symboliquement “franchir”, quitter un lieu, avancer sans retour immédiat.
🧘 Ancrage et régulation corporelle
Respiration rythmée, musiques apaisantes, objets sensoriels pour rester dans le corps durant la traversée.
🧩 Préparation mentale et réassurance
Imaginer, visualiser, anticiper sans fuir — puis créer des scripts intérieurs rassurants et réalistes.
Conseils pour traverser avec plus de sérénité
- Visualiser à l’avance le pont ou tunnel (Google Street View, vidéo) pour diminuer l’inconnu
- Planifier des trajets avec repères (radio, minuteur, mantra)
- Se rappeler : “Ce n’est qu’un moment à traverser. Je l’ai déjà fait. Je peux le refaire.”
- Envisager un accompagnement temporaire si l’évitement prend trop de place
- Tenir un carnet de “petits franchissements réussis” pour renforcer la confiance
Conclusion
La peur des ponts, tunnels ou viaducs n’est pas une simple peur de l’espace : c’est une angoisse existentielle du passage, du vide, du lâcher-prise forcé. Elle incarne le vertige de ne pas pouvoir revenir en arrière, de devoir avancer sans garantie.
Mais traverser, c’est aussi la promesse d’un ailleurs. Et pas à pas, pont après pont, tunnel après tunnel, il devient possible de retrouver le mouvement, l’air, la liberté — à l’intérieur comme à l’extérieur.
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