Il existe une peur silencieuse, terriblement puissante : celle de ne plus se reconnaître, de sentir son esprit basculer, de perdre pied avec la réalité. Cette peur, souvent inavouée, peut devenir une obsession : « Et si je devenais fou ? ». Elle touche autant les personnes hypersensibles, anxieuses, que celles ayant déjà frôlé des états modifiés de conscience ou ayant vécu un choc émotionnel fort. On parle ici de phobie mentale, ou plus précisément, d’une peur existentielle de décompensation psychique.
Une peur bien réelle, mais souvent tue
Cette peur s’installe dans le silence intérieur. Elle se manifeste souvent par :
- L’impression que les pensées se brouillent
- La peur de perdre le contrôle de soi, de ses gestes ou de sa parole
- L’angoisse de devenir un danger pour les autres ou pour soi
- Le doute permanent sur sa propre santé mentale
Elle est nourrie par des sensations vagues mais envahissantes : vertiges, irréalité, sensation de flottement, de rupture avec le présent.
Symptômes fréquents
- Crises de panique avec peur de perdre le contrôle
- Hypersurveillance de ses pensées (« est-ce normal de penser ça ? »)
- Ruminations sur les maladies mentales (schizophrénie, trouble dissociatif…)
- Recherche compulsive de symptômes en ligne
- Dissociation, déréalisation, impression d’être étranger à soi-même
- Difficulté à en parler par peur d’être pris pour quelqu’un d’“instable”
Ce que cette peur révèle
🧠 Une hypersensibilité à l’instabilité mentale
Certaines personnes ont un rapport très fort à la lucidité, au contrôle. La moindre variation émotionnelle est vécue comme une faille.
🔁 Peur de la perte de sens
Perdre la raison, c’est aussi perdre la capacité de se représenter le monde, de se situer. Cette peur touche au cœur même de l’identité.
👤 Mémoire d’états limites
Expériences de burn-out, de deuil, de rupture, ou de consommation de substances peuvent réveiller des états altérés ancrés dans la mémoire.
🧬 Histoire familiale ou culturelle
Une histoire marquée par des troubles mentaux, un tabou sur la folie ou une peur collective (institutionnalisation, stigmatisation…) peut renforcer cette angoisse.
Phobie ou symptôme d’un trouble ?
Cette peur n’est pas en soi un signe de folie — bien au contraire. Les personnes qui ont réellement perdu le contact avec la réalité ne s’en rendent souvent pas compte.
Mais cette phobie peut accompagner :
- Un trouble panique
- Un trouble obsessionnel-compulsif (TOC) centré sur la peur de perdre le contrôle
- Un trouble dissociatif (modéré)
- Une dépression avec éléments anxieux
Stratégies d’apaisement thérapeutique
💬 TCC et restructuration cognitive
Identifier les pensées anxiogènes, leur redonner leur place. Ex. : « Penser à la folie ne me rend pas fou », « Les sensations bizarres ne sont pas des preuves ».
🧘 Ancrage et retour au corps
Pratiquer des exercices de présence sensorielle : sentir les pieds au sol, nommer ce qu’on voit, s’étirer, respirer.
🧠 Travail sur la peur du contrôle
Réapprendre à tolérer l’imprévisible, à accueillir les pensées sans les craindre, à ne pas les interpréter comme des dangers.
📚 Psychoéducation et désacralisation
Comprendre ce qu’est un trouble mental réel, comment il se manifeste vraiment, et faire la différence avec l’angoisse.
Conseils concrets
- Éviter la recherche excessive de symptômes en ligne
- Tenir un carnet pour distinguer pensée, ressenti et réalité
- S’autoriser à parler de cette peur à un professionnel, sans crainte d’être jugé·e
- Réduire les stimulations mentales excessives (écrans, informations contradictoires…)
- Se recentrer chaque jour avec des routines stables et incarnées
- Se rappeler qu’un esprit qui s’interroge n’est pas un esprit perdu
Conclusion
La peur de devenir fou est une angoisse existentielle puissante, mais aussi le signe d’une grande lucidité, d’une vigilance exacerbée envers soi-même. Ce n’est pas une folie en devenir, mais une souffrance émotionnelle qui a besoin d’être reconnue, entendue et apaisée.
Il ne s’agit pas de ne plus jamais avoir peur, mais de réapprendre à vivre avec son esprit sans le fuir, à l’habiter pleinement, même dans ses zones d’ombre. Car ce que l’on redoute, bien souvent, est aussi ce que l’on cherche à comprendre.
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