Certains silences sont plus assourdissants que le vacarme. Certaines absences sont plus lourdes que les présences. Il existe une peur discrète, presque invisible, mais profondément déstabilisante : la peur de ne pas exister. Elle ne se dit pas facilement. Elle s’insinue. Elle se vit comme une brume intérieure, un vide qui absorbe les émotions, les désirs, les repères. Cette angoisse existentielle, parfois difficile à nommer, peut devenir une forme de phobie du vide de soi — une peur de disparaître sans mourir.
Quand l’existence devient floue
Cette phobie n’est pas centrée sur la peur de mourir (comme la thanatophobie), mais sur l’impression de ne jamais avoir été vraiment vivant·e. Elle touche à :
- La sensation d’être transparent·e
- Le doute permanent sur sa valeur, son rôle, sa légitimité
- L’impression d’être remplaçable, interchangeable, ou vide
- La peur que rien de ce qu’on vit ne laisse de trace
Ce ressenti peut surgir soudainement, ou s’installer lentement dans le temps. Il est souvent majoré par des moments de calme, de solitude, ou de rupture.
Symptômes courants
- Sentiment de flottement, de dissociation
- Crises existentielles silencieuses
- Absence de plaisir ou d’émotion marquée
- Peur d’être oublié·e ou de ne rien laisser derrière soi
- Besoin compulsif de se prouver qu’on est vivant·e (actions impulsives, suractivité)
- Recherche constante de reconnaissance, validation, preuve d’utilité
Ce que cette peur dit
🪞 Une difficulté à se sentir incarné·e
La personne se sent désancrée, détachée de son corps, de son environnement, de sa propre histoire.
🌀 Une fragilité identitaire
Ceux qui vivent cette phobie disent parfois : « Je ne sais pas qui je suis », ou « j’ai l’impression d’être vide à l’intérieur ».
🧩 Un manque de reflets
Lorsque l’environnement familial ou social ne reconnaît pas, ne nomme pas ou nie l’existence symbolique d’un individu, celui-ci peut ne jamais se sentir pleinement « là ».
🫧 Une peur de la dilution
La personne craint de se fondre dans le décor, de ne pas exister en tant qu’individu, de ne pas compter.
Origines possibles
- Attachement insécurisant ou distant dans l’enfance
- Traumatismes relationnels ou négligence affective
- Absence de modèles identificatoires forts
- Expériences de rejet, de trahison, de désintérêt prolongé
- Dépression masquée ou trouble dissociatif
Conséquences au quotidien
- Difficulté à prendre des décisions ou à se positionner
- Vie vécue comme « en mode automatique »
- Besoin de surinvestir des rôles extérieurs pour « exister »
- Incapacité à se projeter dans le futur ou à construire du sens
- Fatigue chronique liée à l’hyperadaptation sociale
Pistes thérapeutiques
🧠 Psychothérapie du soi
Explorer la construction de l’identité, restaurer la continuité du moi, retrouver la voix intérieure.
🪴 Thérapie sensorielle ou corporelle
Revenir à des ancrages simples, incarnés : toucher, mouvement, voix, souffle.
💬 Approches existentielle et narrative
Redonner du récit à l’expérience, remettre en mots ce qui semblait inexistant, réécrire une présence à soi.
🎭 Création, expression, symbolisation
L’art-thérapie, l’écriture, la voix ou le théâtre permettent de donner forme à ce qui ne se sent pas encore vivant.
Conseils concrets pour se reconnecter à soi
- Tenir un carnet de traces (émotions, gestes, pensées du jour)
- Créer un autel symbolique ou un coin personnel visible
- Se parler intérieurement avec bienveillance : « Je suis là. J’existe. »
- S’entourer de personnes qui vous voient et vous nomment vraiment
- Ancrer ses journées dans des gestes de présence consciente : marcher, respirer, écouter une musique en entier, sentir un parfum
- Prendre des photos ou créer des souvenirs concrets pour marquer son passage dans le temps
Conclusion
La peur de ne pas exister est l’expression intime d’un besoin fondamental de reconnaissance. Elle nous rappelle que l’existence ne va pas de soi, qu’elle se construit dans la relation, dans le miroir des autres, mais aussi dans l’écoute de soi.
Peu à peu, en se reconnectant à ses sensations, à ses élans, à ses valeurs, il devient possible de réhabiter son existence avec douceur et présence. Car exister n’est pas un état figé : c’est un mouvement à entretenir, une lumière à raviver, un lien à renouer.
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