Un patient qui se lève sans cesse, parle à toute vitesse, frappe contre les murs ou semble perdu dans des gestes répétitifs… L’agitation est l’un des symptômes les plus visibles en milieu psychiatrique, hospitalier ou gérontologique — mais aussi l’un des plus complexes à interpréter. Est-elle le signe d’une angoisse ? D’un trouble cognitif ? D’une douleur non exprimée ? Ou d’un effet secondaire d’un traitement ?
Dans cet article, nous explorons les défis cliniques, humains et éthiques que pose le diagnostic de l’agitation, en particulier chez les patients les plus vulnérables.
🧍♂️ Qu’entend-on par “agitation” en psychologie clinique ?
L’agitation est définie comme une augmentation anormale de l’activité motrice et/ou verbale, souvent désorganisée, difficilement contrôlable et inadaptée au contexte. Elle peut être :
- Physique : déambulation, gestes brusques, mouvements incontrôlés
- Verbale : discours accéléré, incohérent ou répétitif
- Émotionnelle : signes de panique, tension, irritabilité, détresse
💡 Ce n’est pas une pathologie en soi, mais un symptôme. Et comme tout symptôme, il doit être interprété à la lumière du contexte, de l’histoire du patient et des autres signes présents.
🧠 Pourquoi le diagnostic est-il si difficile ?
1. Une multiplicité de causes possibles
L’agitation peut être liée à :
- Un trouble psychiatrique (manie, psychose, schizophrénie)
- Une confusion mentale (délirium, démence)
- Un sevrage ou une intoxication
- Une douleur physique non verbalisée
- Une détresse psychologique aiguë (angoisse, syndrome post-traumatique)
- Des effets secondaires médicamenteux
👉 Face à ces multiples hypothèses, le risque d’erreur est élevé si l’agitation est traitée comme un simple “trouble du comportement”.
2. Une expression très variable selon les individus
Chez certains, l’agitation est explosive ; chez d’autres, elle est contenue, presque imperceptible.
Une personne âgée peut sembler calme mais présenter une agitation cognitive intense (ruminations, angoisse interne).
Un adolescent peut se montrer agressif par agitation… ou simplement par provocation.
Le profil neuropsychologique, l’histoire de vie et le contexte relationnel jouent un rôle crucial dans l’interprétation.
🔍 Les risques d’erreurs d’interprétation
- Confondre agitation et agressivité
- Attribuer l’agitation à un trouble psychique alors qu’elle est somatique
- Diagnostiquer à tort une démence sur la base de comportements erratiques liés à l’anxiété
- Minimiser l’agitation d’un patient calme en apparence mais souffrant d’angoisse intérieure
🧭 Ces erreurs peuvent entraîner des traitements inadaptés, une surmédicalisation ou au contraire un défaut de prise en charge.
🛠️ Clés cliniques pour une évaluation plus juste
1. Observer avec finesse
- Quand apparaît l’agitation ? (matin, soir, après un soin…)
- Quelle forme prend-elle ?
- Est-elle continue ou épisodique ?
- Quel lien avec l’environnement immédiat (bruit, lumière, interlocuteur) ?
2. Contextualiser l’état du patient
- Antécédents psychiatriques, neurologiques, traumatiques
- Médicaments en cours ou arrêtés récemment
- Degré de compréhension ou de verbalisation du patient
3. Associer plusieurs regards
- Équipe médicale (psychiatre, infirmier, aide-soignant)
- Famille ou proches
- Psychologue clinicien
La pluridisciplinarité permet de croiser les observations et de limiter les biais d’interprétation.
💬 Témoignages cliniques
“Ce patient paraissait dangereux, mais il avait juste très peur du contact.”
“Elle tapait sur la porte, mais c’était pour appeler à l’aide, pas pour fuir.”
“Il était très agité depuis deux jours… en réalité, il souffrait d’une infection urinaire non détectée.”
Ces témoignages rappellent que l’agitation est une tentative de communication, même lorsqu’elle semble incompréhensible.
🤝 Entre contenance et respect de la dignité
Diagnostiquer l’agitation, c’est aussi poser un cadre : sécuriser l’espace, protéger les autres patients, limiter les risques de passage à l’acte.
Mais c’est aussi écouter l’être humain derrière le symptôme, respecter sa dignité, ne pas le réduire à un comportement.
🎯 La contenance thérapeutique ne doit jamais devenir du contrôle brut ou de l’isolement punitif.
💡 Et en gérontologie ? Des enjeux spécifiques
Chez la personne âgée, l’agitation peut révéler :
- Une confusion (syndrome confusionnel)
- Une douleur (arthrose, infection, inconfort)
- Une angoisse liée à la perte d’autonomie
- Une réaction à un environnement non adapté
La personne peut ne plus avoir les mots pour exprimer son mal-être. L’agitation devient alors le dernier mode de communication possible.
🔚 Conclusion : entendre au-delà du geste
L’agitation n’est pas un caprice, ni une simple “dérive comportementale”. C’est un appel lancé par le corps, la parole ou le silence, qui demande à être entendu.
Diagnostiquer ce symptôme exige de la technique, de l’expérience… mais aussi de l’humilité, de l’attention, et une écoute active du non-dit. Car derrière chaque mouvement agité, il y a un besoin, une douleur, une détresse. Et parfois, juste un humain qui cherche à ne pas sombrer.
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